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Sillamäe

Sillamäe - images d'archives
Sillamäe - images d'archives

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site internet de la ville
lien wikipedia


ATOMIQUE SILLAMÄE
(Ce texte est tiré en partie de la publication d’Anne Gruselle, « Etudes finno-ougriennes », vol.36)


Pendant la période soviétique, de 1944 jusqu’à l’indépendance de l’Estonie en 1991, Sillamäe était une ville secrète et fermée construite pour loger les scientifiques et travailleurs, venus développer la recherche nucléaire. Sillamäe était une ville fermée même pour les Estoniens ; elle avait un nom de code et ne figurait ni en photo, ni sur les cartes, ni sur les films archivés en Estonie.

Des milliers de Soviétiques, russophones, ont été amenés en Estonie après la seconde guerre mondiale, modifiant la composition ethnique du pays (en 1945 les Estoniens représentaient 96% de la population, en 1989 : 61,5%), ce qui explique que certains Estoniens puissent redouter que leur langue et leur culture disparaissent, et pourquoi certains rejettent les russophones en tant qu’ ”héritiers des occupants“.

Le but des Soviétiques était de contrôler leur espace nouvellement conquis, et de développer l’industrie dans une Estonie soviétique qui représenterait une vitrine pour l’ouest. Le nord-est de l’Estonie (Idavirumaa) devint une zone russe presque homogène.

Sillamäe représente un cas extrême de cette division socio-économique, politique et linguistique en Estonie. À l’heure actuelle, ses habitants à  85% des Russes, à 3% des Ukrainiens, 3% de Biélorusse et à presque 3% des Estoniens. La plupart d’entre eux vivent cependant en Estonie depuis plus de 20 ans ou y sont nés.

Le cadre juridique mis en place par le gouvernement estonien au début des années 90 visait à rééquilibrer cette nouvelle situation démographique. Une loi sur la citoyenneté fut votée. Elle n’est pas en faveur des Russes arrivés après 1945, cependant beaucoup de russophones ont décidé de rester en Estonie. Depuis 1997-98, et sous la pression de l’Union Européenne, la politique de l’Etat s’est assouplie.
En 1991, le gouvernement estonien a choisi de ne pas donner la citoyenneté estonienne aux émigrés soviétiques. Cependant les étrangers pouvent obtenir cette citoyenneté s’ils habitent en Estonie plus de cinq ans, et réussissent un examen de langue et culture.

Depuis 1991, Sillamäe est devenue une ville ouverte, une organisation capitaliste a remplacé l’ancien système centralisé socialiste. Ces nouvelles circonstances induisirent un changement immédiat des conditions de travail, l’usine fut fermée, et la raison d’être de cette ville disparut. Les Russes qui s ‘étaient installés ici devinrent une minorité, incapable de parler la langue officielle, dans une Estonie indépendante. Certains ont la nationalité estonienne, d’autres ont le passeport russe, la plupart ont le passeport gris d’apatride, et il ne sont pas, ou très peu, intégrés à la vie socio-économique de l’Estonie. Ils ne parlent pas estoniens, mais leurs racines sont ici, où ils sont nés, la vie est plus facile qu’en Russie, et l’Estonie est une porte sur l’Europe.

En Estonie et dans l’ex-URSS, la nationalité était différenciée de la citoyenneté. La première signifiant l’origine ethnique, la deuxième le statut civique. En obtenant la nationalité estonienne, les Russes obtenaient des droits politiques, mais ne devenaient pas estoniens de nationalité.

En 1999, 20% des habitants de Sillamäe ont demandé la nationalité estonienne, cette proportion augmentant depuis que les enfants nés après 1992 obtiennent cette citoyenneté à la demande des parents.
Un autre groupe est constitué d’étrangers, 25% de Russes, quelques Ukrainiens, Biélorusses. Les apatrides représentent le plus grand groupe, 55% des habitants possédant un passeport gris “d’extra-terrestre“.

En 1989 une première loi, confirmée en 1995, rejeta le bilinguisme en Estonie et par conséquent certaines possibilités d’intégration pour les Russes. Il faut préciser cependant qu’il s’agit aussi d’un problème de générations, les Russes les plus jeunes, pour la plupart, souhaitent être intégrés à l’environnement socio-économique estonien et restent en Estonie ou partent ailleurs en Europe.






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Enfance dorée

Enfance dorée - Golden childhood (archives)
Enfance dorée - Golden childhood (archives)

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VLADIMIR KROTOV
Vladimir Krotov travaille pour Sillamäe TV.

Comment êtes-vous arrivé à Sillamaë ?
Je ne suis pas venu à Sillamäe, je suis né ici. Ma mère est de la région de Yaroslavl, et mon père venait de la région de Gorkov, Nizhny Novgorod. Ma mère est arrivée en 1948 pour travailler à l’usine, ce qui revenait à travailler pour ce maudit impérialisme soviétique. J’ai été conçu, et j’ai grandi dans cette ville. Je suis allée à l’école et j’y ai passé huit années pour lesquelles j’ai reçu un certificat de bon travail et bonne conduite. Pendant cette période, j’ai participé à plusieurs groupes de loisirs, dont aucun ne faisait payer l’adhésion. Ils étaient proposés par notre usine –une usine riche !- qui fournissait aussi tout l’équipement et le matériel nécessaire.

Pendant mon enfance dorée, j’ai pu participer à toutes les différentes activités pour enfants qui étaient disponibles dans notre ville, avec une variété allant du club de construction automobile au club photographique. J’ai aussi fait du sport. Toutes nos salles de sport étaient très bien équipées. La deuxième plus grande piscine, après celle de Tallin, a été construite dans notre ville, elle était presque gratuite, deux roubles par mois. Mais si tu t’entraînais bien, ils pouvaient renoncer au prix d’entrée. Je voudrais souligner le fait que Sillamäe était différente des autres villes, les gens à Sillamäe pouvaient acheter des chaussures anglaises, du parfum français, des costumes allemands, des manteaux italiens ou des articles en fourrure : du vison, du castor, du ragondin ou de la peau de lapin. Les visiteurs étaient surpris pas cette abondance, et disaient qu’ici, à Sillamäe, nous vivions dans un « communisme naturel ». À la fin des années 60, les approvisionnements de la ville se sont amoindris notablement. Mais comparé aux autres, Sillamäe restait une ville bien approvisionnée.

Après avoir fini l’école, je suis allé travailler à l’usine, sans problèmes. Ils m’ont donné le travail de ferronnier que je voulais. Ensuite, j’ai fait mon service militaire et j’ai obtenu un travail comme opérateur radio militaire.

L’éducation dans notre ville était d’un niveau assez élevé, à l’exception des langues étrangères. Peut-être que le ministère de l’éducation ne voulait pas faire de nous des espions avec une bonne connaissance de l’anglais, de l’allemand, et du français. L’estonien n’était pas enseigné dans notre école, en dix ans je n’ai étudié l’estonien que pendant un mois, et la ligne correspondante est barrée sur mon certificat scolaire. En tant que patriote de ma ville, qui est située sur le territoire de l’Estonie, j’apprendrais l’estonien avec plaisir, si c’était aux frais de l’Etat, mais cela convient bien au gouvernement estonien que les Russes ne parlent pas estonien, parce que si tous les Russes de mon âge –j’ai 45 ans- et plus jeunes, parlaient estonien, alors il n’y aurait plus d’argent européen pour l’intégration.




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Citoyen du monde

Sillamäe
Sillamäe

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Quelle est votre nationalité ? Quel passeport avez-vous ?
J’ai un passeport gris qui dit : “place sur la terre : une autre“. Il est possible d’écrire à la place : “Jupiter, Mars, la Lune“. Je suis d’une autre planète et j’en suis fier. Le gouvernement estonien ne m’a pas insulté en me donnant ce passeport, au contraire : j’ai un passeport montrant que je suis un citoyen de l’Univers. Je n’ai pas un passeport de citoyen estonien deviendrait bientôt un passeport européen. Le passeport d’un Etat lie à un pays. Sans nationalité, je suis un citoyen du monde entier, ce qui est ce que les gens recherchent.


sans nationalité, je suis un citoyen du monde entier

Regardez-moi : je mourrai ici et ils me conduiront au cimetière. Je suis un patriote de ma ville. Je ne suis pas seulement un patriote – je suis un patriote orthodoxe.



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Ville close

Sillamäe
Sillamäe

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Quelle est la différence entre une ville close et une ville ouverte ?
Ne nous embrouillons pas. L’union Soviétique était fermée pour tout le monde, et la ville de Sillamäe était doublement fermée. Une usine militaire secrète dans n’importe quel pays. Qu’est-ce qui a changé pour moi depuis que l’Estonie est devenue indépendante ? Absolument rien. Je ne me sentais pas libre, je ne me sentais pas réprimé, je vivais tout simplement. J’ai donné naissance à mes enfants et les ai élevés. Ma fille est une citoyenne de l’Estonie ; elle étudie à l’Université de Tartu.

je ne me sentais pas libre, je ne me sentais pas réprimé, je vivais

Alors qu’est ce qui a changé pour moi depuis que l’Estonie est devenue indépendante ? Pour certaines personnes au tempérament aventurier, cela a créé d’immenses opportunités pour gagner de l’argent. Mais comme moi, Vladimir Krotov, je suis quelqu’un qui ne se risquera jamais à une vie d’aventures, cette période n’était pas une mine d’or pour moi.

Où travaillez-vous ?
Je travaille à la télévision sillamäeenne, mais avant que je ne commence à parler de mon travail, je veux préciser que la télévision câblée a été installée pour la première fois à Sillamäe. “Komsomolskaya Pravda“, un journal moscovite, a écrit là-dessus. Nous traitons des mêmes choses que n’importe quel studio de télévision locale : la vie de la ville. La télévision de la ville de Sillamäe a commencé plus tôt que celles de Narva ou Jõhvi, peut-être qu’à l’époque il y avait un genre de télévision régionale uniquement à Tallin. Donc encore une fois, Sillamäe était la première. L’équipement avait été amené frauduleusement.

Durant cette période, la ville de Sillamäe a produit plus de vingt champions sportifs et deux acteurs de cinéma : Karasiov et Yegorov. Selon “Voice of America“, Sillamäe avait le plus grand taux d’équipement automobile de toute la population de l’Union Soviétique. Arrivant à Sillamäe après ses études, un homme avait ici un programme de vie : il obtenait une chambre dans un appartement communautaire ; il avait un travail de contremaître à l’usine ; et après trois-quatre-cinq-six-sept ans il obtenait un appartement individuel. Pendant ces années, il avait un salaire assez correct et au bout de six à huit ans, il pouvait s’ajouter à la liste d’attente pour acheter une voiture, et l’acheter facilement. Ensuite, ce jeune spécialiste, après avoir obtenu un appartement et une voiture,  et après avoir eu un enfant, pouvait mettre son enfant au jardin d’enfants sans avoir à faire la queue. À l’heure actuelle, Sillamäe n’a même plus sa propre force de police, pas de bureau d’état civil, ni de centre de paiement, ou de bourse du travail, ni les services médicaux les plus importants : chirurgie, pédiatrie, gynécologie, urologie, qui existaient auparavant ici. Si nous gardons en tête que Sillamäe est plus grande que Jõhvi ou Rakvere, je suppose que la question est “pourquoi ?“. C’est tout.



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Ville secrète

Sillamäe
Sillamäe

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ALEKSANDR POPOLITOV
Aleksandr Popolitov est artiste et historien de l’art, et membre du collectif d’artistes “Avril“. Il est conservateur au musée de la ville de Sillamäe.

5000 prisonniers sont venus des camps de toute l’Union Soviétique pour construire notre ville


Quand la province de l’Estonie appartenait à l’Empire russe, Sillamäe était un lieu de villégiature pour l’intelligentsia de Moscou et Saint Pétersbourg. Dans les années 30, une usine de schiste bitumineux fut construite à Sillamäe, à l’emplacement de l’usine actuelle.  Il y avait une entreprise estonienne et suédoise, qui produisait du pétrole et du kérosène et qui fonctionna jusqu’au début de la seconde guerre mondiale. Puis Zaretsky est arrivé, qui avait été envoyé ici par Staline et Beria pour lancer l’usine, et ils ont construit un camp, le plus grand d’Estonie après la seconde guerre mondiale. 5.000 prisonniers sont venus des camps de toute l’Union Soviétique pour construire notre ville et travailler dans les mines, pour extraire du schiste bitumineux radioactif. Il y avait en plus trois bataillons, estonien, letton et lituanien, composé des jeunes gens qui étaient dans l’armée d’Hitler. Ils avaient déjà acquitté leur peine et étaient affectés maintenant à la construction de Sillamäe. Il y avait  des prisonniers politiques qui avaient été condamnés pour avoir raconté des “anecdotes“, beaucoup de gens de Moldavie et de l’ouest de l’Ukraine. Il y avait 500 femmes condamnées pour avoir avorté, ou pour avoir pillé la propriété de l’Etat, et il y avait des voleurs. Les prisonniers de camps de toute l’Union Soviétique voulaient venir ici. Comme l’Etat était préoccupé par la bombe atomique, on offrait divers privilèges aux gens pour les motiver : la nourriture était meilleure ici, et si tu travaillais bien tu étais payé et ton temps d’emprisonnement était réduit. Les gens étaient divisés en trois équipe de travail. Mais avec une tonne de schiste bitumineux on obtenait seulement 0.028% d’oxyde d’uranium. C’était donc un énorme travail pour obtenir le produit intermédiaire, qui était ensuite envoyé à Elektrostal.


DAVID VSEVIOV
David Vseviov est historien, il vit et travaille à Tallin ; il est l’auteur d’une thèse sur le phénomène démographique à Ida-Virumaa- Estonie de l’est-, qui traite aussi de Sillamäe.


Sous l’Union Soviétique, il y avait des centaines de ville secrètes. Sillamäe avait le plus haut niveau de classification, à cause de l’uranium. Au Kremlin, à Moscou, Staline savait que l’Amérique était en train de produire une bombe atomique, et que l’un des composants essentiels de la bombe était l’uranium. Mais il savait aussi que de l’uranium avait été trouvé à Sillamäe, c’est pourquoi Sillamäe devint unique, et cela explique pourquoi les recherches commencèrent juste après que la ville a été  libérée de l’occupation allemande en 1944, et pourquoi l’armée soviétique est venue ici.


une ville secrète dans un endroit secret : son nom de code était “Paint Factory“ ou “Factory no 22“


Les prisonniers de guerre ont fait le travail. Des Allemands, des Hongrois et des Roumains et les prisonniers politiques des camps construisirent Sillamäe. Le registre du camp de prison a survécu, et ce n’était pas un hasard si les prisonniers choisis avaient un maximum de trois ans d’éducation, venaient principalement des républiques d’Asie Centrale, et ne travaillaient pas ici plus de 6 mois. Cela signifie qu’ils ne pouvaient comprendre ce qu’ils étaient en train de construire. La construction était dirigée par le KGB bien sûr. Cette ville n’avait pas de nom. Son nom de code était “Paint Factory“ ou “Factory no 22“. Par conséquent les ingénieurs qui étaient envoyés depuis Moscou quand des travailleurs qualifiés étaient requis pour la construction ne savaient pas où ils devaient aller. L’histoire architecturale de Sillamäe est totalement unique. Elle a été bâtie selon un projet, rapidement et sans restrictions financières, même en 1946-1947 quand l’Union Soviétique était très pauvre. Cette ville était comme un monde autonome.



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Noms de code

Sillamäe
Sillamäe

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ALEKSANDR POPOLITOV

Le nom de Sillamäe disparut après la seconde guerre mondiale. Pour envoyer une lettre ici, il fallait utiliser l’adresse “ESSR Moscou-400“, puis pendant une courte période il y a eu le nom de code “Leningrad-1“, puis “Narva-1“. En 1957 la population atteignait 10000 habitants, et selon la loi la ville devait acquérir un statut. Donc le nom de Sillamäe revint. Il y avait un institut spécial à Leningrad, l’Institut Sedov pour la Science et la Recherche, qui s’occupait de l’architecture et de l’aménagement général de Sillamäe. L’ensemble de style “retrospectiviste“ des années 40 et 50 est unique en Estonie. En 2000 notre Palais de la Culture et notre cinéma “La patrie“ ont gagné le statut de monument national protégé.
En 1949, ils ont arrêté le traitement du schiste bitumeux radioactif et ont commencé à traiter le minerai d’uranium amené de Bulgarie ou de Tchécoslovaquie. En 1965, ils ont commencé à travailler les métaux de la péninsue de Kola, et l’usine commença à devenir rentable. Naturellement, c’était une industrie néfaste à la santé, donc les femmes arrêtaient à 45 ans et les hommes à 50. Jusqu’en 1991, il y avait 20.000 habitants. Quand l’Estonie est devenue indépendante, beaucoup de gens sont partis, ils ne sont plus que 17.000 maintenant. L’usine dispose de son propre laboratoire de recherche, où ses propres travailleurs compétents font des recherches. Il est possible d’y passer un doctorat.

Comment les familles se sont-elles formées ici ?
Comme Sillamäe était une ville fermée, une petite enclave en Estonie, les gens se mariaient  à l’intérieur de la communauté. Ils se rencontraient aussi dans les hôtels, mais pour amener quelqu’un ici il fallait obtenir une permission, subir des contrôles dans un département spécial, qui voulait savoir si, par exemple,  tu avais de la famille à l’étranger. Pour cette raison, les Estoniens n’étaient pas employés dans l’usine. Ceux qui venaient travailler à l’usine signaient un document qui promettait de garder le secret pendant cinq ans. Et avant de partir en vacances il était nécessaire de recevoir les instructions du Département Général de l’usine. Si on te demandait d’où tu venais, il fallait répondre de Narva.


DAVID VSEVIOV

Est-il vrai qu’il y avait des cartes pendant l’Union Soviétique où Sillamäe et Paldiski n’étaient pas indiquées ?
En effet, les cartes des villes de Paldiski et Sillamäe n’étaient pas vendues. En l’Union Soviétique, aucune carte n’était précise. Ce “Paint Factory“ était aussi un bon nom. Le chef de l’usine était Kukov, un général bien sûr. Donc Sillamäe avait un autre nom de code- “l’endroit de Kukov“. Ou par exemple, la correspondance concernant Sillamäe n’est pas “secrète“ mais “classée“. Il n’y a pratiquement pas de documents d’archive : c’est comme si cette ville n’existait pas. Pas seulement sur les cartes mais aussi dans l’histoire : Sillamäe était déterminée pour ne pas exister. En plus du secret [i.e. uranium], Sillamäe était située sur la zone de frontière soviétique. C’était donc un double secret. Tout le territoire au-delà de l’autoroute Narva-Tallinn était une zone frontalière. Les étrangers ne pouvaient pas venir ici : une ville secrète dans un endroit secret.

pas de documents d’archive


Avant la guerre, il n’y avait rien à Sillamäe. Elle a surgi sur un terrain vierge. Il y avait des fermes estoniennes là où ils ont commencé à creuser, mais les propriétaires ont été déplacés. Parfois on leur a poliment offert une maison à la place. Il n’y avait donc pratiquement pas d’Estoniens à Sillamäe et ceux qui étaient là n’étaient pas de la région.

Et les gens ne pouvaient pas quitter la ville ?
Ils le pouvaient, mais en général ça ne les intéressait pas. Quelqu’un travaillait, il ou elle avait tout ce qu’il voulait, allait à Narvea et Leningrad, pas à Tallinn ; pour une centaine de voyages à Leningrad il n’y en avait qu’un seul à Tallinn.

Ce qui est intéressant c’est qu’en 1948, de meilleures sources d’uranium ont été trouvées en Russie et au Kazakhstan. Donc en fait la singularité de Sillamäe a pris fin en 1948. Mais le statut de ville classée donnait tellement d’avantages, par exemple pour les vivres, que la ville a tout fait pour le préserver et a imaginé des idées absolument absurdes : ils ont fabriqué des masques à gaz et tout sorte de choses merveilleuses. Plus tard, ils ont commencé à produire des métaux de couleurs ; il n’y avait plus de secret, mais l’inertie de la direction l’ont gardé secret jusqu’à la fin. Après que l’uranium était épuisé, ils ont commencé à faire venir du minerai de la péninsule de Kola. C’était utilisé pour fabriquer les métaux que l’Union Soviétique utilisait dans ses industries militaires et spatiales ; bien sûr, l’Estonie n’en avait plus aucun besoin après l’indépendance. Une fois que l’Estonie est devenue indépendante, beaucoup de personnes l’ont quittée pour la Russie. Il y a 10 ans, la situation était désastreuse : Sillamäe avait été la ville d’une seule usine et avait perdu sa raison d’être. Cependant la ville s’est doucement développée, un port fut construit. Il y a beaucoup de personnes âgées qui ont de la famille en Russie. Ils ont leur propre appartement ici. Pourquoi devraient-elles partir ?



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Ville unique

Sillamäe
Sillamäe

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publication Birgit Schlieps


Mais ce contingent qui est venu ici, devait-il rester ?
Oui et ils l’ont fait volontiers, parce qu’ils avaient des appartements ici. Pour un homme soviétique, le problème numéro un était l’appartement. Bien sûr, les appartements étaient la propriété de l’Etat. De la même manière, à Sillamäe, il y avait des magasins avec des bananes et d’autres raretés. Tu pouvais être dans une ville secrète quelque part en Sibérie, coupé du monde extérieur, mais Sillamäe avait tous les avantages d’une ville fermée et était proche de Leningrad. La structure de la population à Sillamäe était très intéressante. Les ingénieurs, qui pouvaient comprendre ce qui se passait ici, étaient des spécialistes très hautement qualifiés recrutés à Moscou ou Leningrad. Et une foule de travailleurs était recrutée d’un peu partout, principalement de l’armée. Dans les zones rurales de l’Union Soviétique, les gens n’avaient pas de passeport, ils ne pouvaient pas voyager ni aller nulle part. Après le service militaire, tu obtenais un passeport, mais si tu retournais dans ton pays, le passeport t’étais enlevé. C’est pourquoi les gens voulaient travailler à la construction et ainsi de suite. Cette main-d’oeuvre était d’un très bas niveau. Sillamäe n’était pas une ville avec une structure normale.

Il y avait environ 20.000 résidents ici. La plupart des gens travaillaient à l’usine. Et il y avait aussi ceux, comme les femmes des ouvriers, qui travaillaient dans les écoles, les hôpitaux, etc. Et bien sûr, l’uranium est dangereux. Il y avait une visite médicale avant le recrutement. Une personne devait venir travailler en bonne santé. Ce qu’il advenait ensuite, s’il ou elle recevait des doses de radiation, cela n’intéressait personne. Heureusement il y avait si peu d’uranium que l’effet n’était pas si important.

La ville a été construite en 1948 avec la totalité de ses infrastructures, hôpitaux, écoles, et bureaux de poste, ce qui est tout à fait unique. Il n’y avait pas de problèmes financiers. À Sillamäe toutes les écoles, les jardins d’enfants et ainsi de suite étaient subordonnés à l’usine. Il y avait  une direction générale officielle de la ville, même si l’organisation du Parti ne recevait pas d’ordre de Tallinn mais directement de Moscou.

Et les étrangers pouvaient-ils venir visiter la ville ?
Non, s’ils avaient essayé, ils auraient été capturés. Il y avait des barbelés tous autour de la ville ; il fallait une invitation spéciale pour rentrer. C’était toujours un grand événement quand quelqu’un venait de l’Estonie, comme les inspecteurs du ministère. Alors toutes leurs connaissances leur demandaient de ramener des produits qui étaient difficiles à trouver.


il fallait une invitation spéciale pour rentrer


Le système soviétique était construit sur l’expansion. L’usine n’arrêtait pas de se développer; elle grandissait, des gens arrivaient sans arrêt et de nouvelles maisons étaient construites pour eux. Sillamäe était une ville fermée jusqu’à la fin. Elle n’avait pas les problèmes généraux de l’Union Soviétique, la pénurie de travailleurs. Le but était de produire plus, pas d’augmenter la qualité du produit, et de retenir de nouveaux travailleurs, qui étaient attirés par les avantages de la ville close. Les alentours, la région de Pskov et Novgorod, étaient très pauvres. Les gens venaient volontiers en Estonie.




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Apatrides

Sillamäe
Sillamäe

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ALEKSANDR POPOLITOV

Comment les gens ont-ils réagi aux évènements des années 90 ?
C’était très compliqué. La plupart des gens qui travaillaient à l’usine étaient très spécialisés, maintenant ils n’ont rien à faire ici. Seul le personnel du département d’informatique a trouvé de nouveaux emplois. De nos jours, les retraités représentent la majorité de la population, ils ont le passeport russe. Pour une autre partie de la population, c’est comme s’ils n’étaient personne ici, ils ont des passeports gris et ne parlent pas estonien. Les gens au passeport gris ne peuvent participer aux élections que pour les autorités locales, ils ne peuvent pas prendre part aux élections parlementaires. S’ils veulent aller en Russie ou en Europe ils doivent acheter un visa. Et la troisième partie est constituée de jeunes gens, qui passent des examens pour obtenir la citoyenneté et, en règle générale, parlent estonien et anglais ; ils essaient de trouver du travail à Tallinn ou Tartu, et ceux qui parlent anglais essaient en Europe.


passeports (gris) de non-citoyen


MARTIN-PETER KASK
Martin-Peter Kask est conseiller juridique, il vit à Tallinn.

Pourquoi les gens vivant à Sillamäe ont-ils des passeports d’apatrides (gris), pourquoi ne prennent-ils pas le passeport russe (rouge) ou n’obtiennent-ils pas le passeport estonien (bleu) ?
Pour la plupart des apatrides, il était, et il est toujours possible d’obtenir la citoyenneté estonienne. Pour cela on leur demande d’avoir séjourné en Estonie de manière permanente pour au moins cinq ans – et pratiquement tous sont restés plus longtemps - et ils doivent avoir un revenu légal régulier, qui peut aussi être une retraite. D’autre part, les retraités bénéficient d’une mesure  légale d’accélération du processus de naturalisation. Ils doivent aussi être capable de parler estonien et passent un examen de langue, ce qui est la raison pour laquelle la plupart d’entre eux, spécialement les plus vieux, écartent l’option d’obtenir un passeport bleu.
Cependant, je pense que quand quelqu’un a vécu en Estonie pendant 30 ans et n’a pas assimilé un seul mot d’estonien, il ne devrait pas se plaindre, parce que les avantages sociaux sont les mêmes dans tout le pays. Donc cette situation précaire est due autant à un total manque d’intérêt qu’à l’ignorance, et à la faiblesse du gouvernement estonien en la matière. L’échéance pour l’éducation a été constamment reportée, par exemple en ce qui concerne la présence de la langue estonienne uniquement au lycée. La plupart des enfants de langue maternelle russe ont reçu leur éducation d’écoles de langue russe. En fait, beaucoup ne veulent pas la nationalité russe car ils vivent en Estonie. Comme les avantages sociaux sont égaux entre les citoyens et ceux qui vivent ici de manière permanente, il y a une certaine baisse de motivation à devenir citoyen estonien.
    
 



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Les gens

Sillamäe
Sillamäe

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ALEKSANDR POPOLITOV

Avez-vous la nationalité russe ?
En fait j’ai des origines tziganes. Mon arrière grand-père était nomade. Ma mère était cosaque du Don, son mari était russe. Mais comme je pense en russe, cela signifie que je suis russe. En ce qui concerne la culture estonienne, je la connais mieux que la plupart des Estoniens. Mais j’ai des origines russes et mon environnement à Sillamäe est russe, ce qui est une caractéristique particulière de Sillamäe. Sillamäe est située entre Tallinn et Saint Pétersbourg, ses habitants vont à Leningrad pour la culture, et seulement parfois à Tallinn.

Etes-vous né ici ?
Non, je suis né à Leningrad. Quand j’avais 1 an nous sommes partis à Toila, puis Kurtna et enfin Sillamäe.

Vos parents travaillaient-ils à l’usine ?
J’avais seulement ma mère, mon père est mort pendant la guerre. Ma mère n’avait pas reçu d’éducation, elle travaillait donc comme femme de ménage. Elle est venue ici avec trois enfants parce qu’il était plus facile de survivre en Estonie qu’en Russie après la guerre.

Quelle éducation avez-vous reçu ?
Je suis artiste, j’ai étudié à l’école d’art d’Obramtsevo, près de Moscou. Je travaillais dans ce qu’on appelait le Groupe d’Esthétique Industrielle à l’usine. Nous étions impliqués dans l’aspect esthétique de la ville entière.

Comment avez-vous commencé à travailler au musée ?
J’étais intéressé par l’histoire, par les vieilles peintures russes, par les collections d’icônes. Quand je suis arrivé ici j’ai appris qu’il y avait une église orthodoxe et j’ai commencé à rechercher où toutes ses icônes avaient disparu, j’ai donc commencé à faire des recherches non seulement sur l’histoire de Sillamäe, mais sur la région entière. Et il s’est avéré que ce loisir est devenu ma profession, et je suis entré plus tard à la faculté d’histoire de l’art de Leningrad.


IGOR LUKYANOV
Igor Lukyanov est artiste, et membre du collectif d’artistes “April“


Etes-vous né ici ?
Non, je suis né en Sibérie et je suis venu ici en tant qu’étudiant, il y a 18 ans. Je faisais des études de costumier. Ma femme et moi sommes venus à Tallinn en excursion pendant les vacances d’hiver. Et nous sommes venus dans cette ville par hasard. Bien qu’elle soit fermée, elle nous paraissait intéressante, magnétique, et après avoir obtenu mon diplôme, nous sommes venus ici.

Et comment êtes-vous entré, si la ville était fermée ?
Très simple. Personne ne se tenait à l’entrée sur les mitrailleuses, il y avait  juste un signe disant que la vile était fermée.

Quand êtes-vous arrivés ?
En 1981. Les parents de ma femme sont arrivés en premier. Les choses se passaient de telle sorte que les connaissances amenaient des connaissances et la famille amenait de la famille avec eux. Il fallait obtenir une permission, un département spécial enquêtait sur nous. L’art russe était principalement du réalisme, de l’académisme, et du social-réalisme. En Estonie, c’était plus avant-gardiste, c’était près de l’Europe. Tout était ouvert ici, l’art était libre, nous aimions ça. Et en Estonie, à notre surprise, il y avait un petit îlot russe, où seuls des Russes habitaient, où il n’y avait pas d’estoniens. Et il y avait tout ce qu’il faut dans les magasins, un petit coin de paradis.

un petit îlot russe, où seuls des Russes habitaient, où il n’y avait pas d’estoniens et il y avait tout ce qu’il faut dans les magasins, un petit coin de paradis.


Qu’est ce que cela faisait de vivre dans une ville close ?
Maintenant il est difficile de se rappeler que durant l’époque de Staline, la ville n’avait même pas de nom, juste un numéro. Même mon père avait peur de la ville close et quand il venait nous visiter, il passait directement de l’arrêt de bus à la milice, il voulait se rendre. Mais les miliciens lui disaient : “Allez-y, allez-y ! “ . Sans aucun document.

Pouviez-vous vous déplacer librement ?
En Estonie ? J’étais surpris que les gens du coin le fassent tout le temps. Chaque week-end, ils se rendaient en voiture dans de petites villes estoniennes - Jõhvi, Narva- parce qu’il y avait tout dans les magasins estoniens. Et même s’il y avait aussi tout ici, les gens aimaient ça.


quelque part au milieu, ni ici, ni là-bas


Quelle est votre nationalité ?
Je suis russe, mais mon passeport est gris. Je voudrais avoir la citoyenneté, mais ils ne me la donnent pas. Je n’ai ni le temps ni l’argent maintenant pour étudier la langue estonienne. Je suis professeur et offre tout mon temps libre à mes élèves. Et il y a aussi la politique de l’Etat –s’ils organisaient des cours de langue gratuits, cela résoudrait le problème. Il y a de l’argent, qui devrait être utilisé directement pour enseigner à des gens comme moi.

Et que pensez-vous, votre mère patrie est-elle en Sibérie ou ici ?
Maintenant mes racines sont ici. Je peux juste réaliser avec tristesse que je ne suis pas accepté en tant qu’Estonien, mais que je ne suis plus russe non plus. Et la culture estonienne n’est pas accessible à Sillamäe. C’est pour cela qu’ils sont quelque part au milieu, ni ici ni là-bas, ils ne connaissent pas les traditions. C’est impossible d’apprendre profondément la culture russe en Estonie, à Sillamäe. Et les enfants ne sont pas aussi appliqués maintenant, les temps ont changés, il faut apprendre vite, en prenant un peu de tout.

KRISTINA LAHT
Kristina travaille au musée de la ville de Sillamäe

Je suis née à Alma Ata, au Kazakhstan. Mon père était dans l’armée, il a été envoyé ici pour le travail. Nous sommes arrivés en 1991, l’Estonie était déjà redevenue indépendante.

Parlez-vous les deux langues ?
Non, je ne parle pas kazakh.

Et l’estonien ?
Non plus.

Que pensez-vous de cette ville ?
Ça va…Mais avant c’était très difficile pour moi. D’abord, je vivais dans une société musulmane où tout était différent. En plus, Alma Ata est une très grande ville, donc pour moi c‘était comme s’il n’y avait que trois maisons ici à Sillamäe. Et même si des Russes vivaient ici, ils avaient l’air plus réservés que dans l’Est.

Aimeriez-vous retourner au Kazakhstan ?
Je ne veux pas y vivre. Mais j’aimerais bien y aller et voir ce qui s’y passe. Selon les nouvelles les plus récentes, il n’y a rien à y faire. C’est très difficile de vivre au Kazakhstan.

Qu’est-ce que fait votre mari ?
Il est sauveteur. Nous avons trois filles, la plus grande va à l’école estonienne, la deuxième au jardin d’enfants estonien. La plus petite va encore au jardin d’enfants russe, mais quand elle aura trois ans, elle ira elle aussi au jardin d’enfants estonien. Les deux plus grandes parlent déjà mi-russe, mi-estonien, même à la maison. Elles sont bilingues.

Pourquoi avoir choisi de les mettre dans une école estonienne ?
Pour qu’elle aient moins de problèmes que moi, par exemple. Quand les enfants sont petits, c’est plus facile pour eux de retenir les informations, d’apprendre les langues. Mais à l ‘école estonienne ils n’apprennent le russe qu’à partir de la sixième année. J’ai appris à lire et écrire en russe à ma fille moi-même.

Est-ce que c’est un problème d’avoir une double nationalité, ou est-ce une chance d’avoir plus d’opportunités ?
Bien sûr cela ouvre plus d’opportunités. J’apprends aussi l’estonien avec elles lorsque nous faisons les devoirs.

AALA GITT

Je suis de Kärdla, de l’île de Hiiumaa. Il fut un temps où j’avais abandonné l’idée de revoir ma ville de naissance.
Et puis les frontières se sont ouvertes, les deux villes étaient proches à nouveau, l’une à l’Ouest de l’Estonie, l’autre à l’Ouest.

Quand êtes-vous venue ici ?
En 1967 ou 1969, j’avais 15 ans. Nous habitions le sud de l’Estonie Mon père était un officiel du Parti et a été transféré à Sillamäe.

Etait-il estonien ?
Oui.

Comment communiquiez-vous avec les gens ici ?
C’est une histoire différente, compliquée et assez privée. Ils ne donnaient jamais de hautes responsabilités aux Estoniens pendant la période soviétique. Mais il y avait des choses étranges concernant mon père. La première était son nom qui avait été changé après la guerre. Mon nom n’est pas Gitt, mais Hütt. Mais c’était la guerre, les erreurs étaient fréquentes et il a abandonné l’espoir de retrouver son nom. Maintenant je fais juste des suppositions pour comprendre pourquoi il était secrétaire du Parti et pourquoi, à Sillamäe, il devint instantanément chef de la police de sécurité à l’usine. C’était l’un des seuls, si ce n’est le seul Estonien là-bas. Maintenant qu’il est mort et qu’ils ont commencé à persécuter les employés du KGB, j’ai juste des doutes. Il n’a jamais rien dit à la maison, parce que moins tu en sais, plus tu as de chances de rester en vie. Il a libéré Narva, il était dans le corps d’infanterie de l’armée rouge, et avant, il avait passé du temps dans Leningrad assiégé.

Quel genre de relation avez-vous avec la ville ? Est-ce qu’elle a beaucoup changé pour vous ?
J’aime beaucoup cette ville. Je ne peux simplement pas comprendre et me dispute toujours avec les gens qui disent que quelque chose ne va pas ici. Je ne sais pas comment ça se fait, mais les jeunes veulent toujours partir pour un autre endroit. Je peux aller ici et là, mais ma maison restera toujours à Sillamäe.

ELVI TABOR

Vous ne regrettez pas d’être venu ici ?
Parfois je regrette de ne pas avoir travaillé auprès des mes compatriotes, mais maintenant que je suis à la retraite, les élèves ont grandi, et leurs enfants ont déjà été dans mon école. Cela ne devrait me prendre qu’un quart d’heure pour rentrer à la maison, mais cela dure une heure, parce que je rencontre des gens, les parents me montrent des photos, surtout les parents d’enfants russes. Je ne le regrette pas du tout parce que cela m’a ouvert l’esprit, je ne suis pas une patriote provinciale parce que Saint Pétersbourg était proche.

Pourquoi êtes-vous parti ?
Je suis née sur l’île d’Hiiumaa, j’avais décidé qu’une fois à la retraite, je retournerais chez moi. À chaque fois que je reviens dans cette ville, c’est comme si je revenais à la maison parce que j’étais une sorte de pionnière qui a commencé à apprendre l’estonien aux enfants russes. Les Estoniens à Sillamäe sont très tolérants envers les autres nationalités; ce qui est rare. Et c’est comme ça que sont les Russes envers les Estoniens. Est-ce aux gens ordinaires de se disputer ? Laissons les politiciens se disputer. Un ami de mon fils a dit un jour qu’un Estonien a Narva est assez rare, mais à Sillamäe c’est un souvenir.



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